Perdue de vue

Publié le 23 Mars 2017

 

 

 

  Au matin, on découvre le trou. Un mètre de diamètre environ. Un grand vide, sombre, impressionnant. Dans la nuit une partie de la chaussée s’est effondrée.  Sous le bitume, une grande quantité de terre a été emportée. Juste devant la porte du garage de l’auberge « La Gigogne » où, avec les membres de l’association SAS (ski, amitié, scramble), nous avons l’habitude, chaque année, de passer une semaine en mars.  C’est la consternation dans le groupe car les trois fourgons blancs qui servent à nous transporter jusqu'au pied des pistes se trouvent bloqués à l’intérieur. Dans la rue, les gens s’arrêtent pour regarder. Il va falloir poser au plus vite des barrières de sécurité.

 

  Ensuite,  heureusement, le directeur de l'auberge s’est débrouillé pour se faire prêter d’autres véhicules.  Nous arrivons sur les pistes avec du retard, mais,  c’est l’essentiel, la  journée de ski est sauvée. A  notre  retour, en fin d’après-midi, tout semble être rentré dans l’ordre, le trou est comblé. Nous pouvons  même sentir l’odeur du goudron frais. Seul un tractopelle est resté  sur place.

 

  C’est seulement au repas du soir, quand nous passons à table et voyons la chaise vide devant le bol de potage fumant... Mais où donc est passée Henriette? 

 

Cette histoire de trou a  en effet perturbé le petit déjeuner et le transport vers les pistes. Personne n’a fait attention, alors, à qui était avec qui. De plus, pendant le ski, comme nous nous partageons en petits groupes par affinités ou par niveaux, chacun a pu penser que la discrète Henriette se trouvait avec d'autres. Mais il faut se rendre à l'évidence, personne aujourd'hui n’a vu Henriette ! Aussitôt Victor et Roger se précipitent vers sa chambre. Le constat est clair : la porte est ouverte, le lit défait, Henriette n’a pas skié de la journée. Henriette a disparu!

 

  Nous nous retrouvons tous maintenant, silencieux, dans la salle à manger.  

  

  C’est alors qu’Albertine, l’anxieuse, pense tout haut et très fort, et si elle était tombée dans le trou ! 

C'est bien possible, précise aussitôt Joséphine, Henriette est insomniaque, il lui arrive assez souvent de sortir la nuit pour aller prendre l’air!  

Et le patron de l’auberge d’ajouter, ouic'est bien possible... Depuis cet hiver, l’éclairage du village s’éteint à minuit !

 

  C’est alors l'affolement général, on prévient le maire, les gendarmes, les pompiers, puis l'entreprise de Travaux Publics qui a comblé le trou. Vers minuit, sous les faisceaux de puissants projecteurs, dans le hurlement des sirènes et le clignotement des gyrophares, face aux caméras de FR3 et de BFMTV, devant un parterre d’officiels en costume ou en uniforme, les ouvriers commencent à creuser et les secours à se préparer. Derrière la fenêtre de sa chambre, vêtue d’une légère nuisette, Albertine regarde. Elle tremble de froid et de peur, je t'aime bien ma petite Henriette, mais, mon Dieu, faites qu’ils te trouvent là, dessous, sinon, moi, de quoi je vais avoir l'air ? Tout ce dérangement pour rien!

 

 

 

 

Rédigé par Emile Gillmo

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