l’homme aux pensées concrètes
Publié le 23 Juin 2010
Villa Malaparte
http://chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/44/Talamona.pdf
Ses jours de repos, il n’a pas une minute à lui. Il s’affaire de la cave au grenier, du jardin à l’établi. Il sait toujours où il va. Il lui
manque 3 doigts et 2 orteils, perdus dans les travaux domestiques. A coups de tondeuses et de scies égoïnes. Il porte sur le corps des cicatrices laissées par ses outils. Il claudique.
Calé dans mon transat, plongé dans une demi-sieste, du haut de ma terrasse, d’un œil, je l’observe et souris: cet homme blessé est heureux.
Aussi, quand j’apprends qu’il déprime, je tombe de haut.
Surtout qu’il dit que de me voir à ne rien faire, à la longue, l’a miné. Il m’envie, il aurait aimé être comme moi. Avoir des doigts de pianiste. Il m’interroge car ça le turlupine :
- Comment pouvez-vous rester ainsi sans dépérir d’ennui ?
Que lui dire sans l’accabler davantage ? Que je prends plaisir à ne pas remplir ma vie ! Que je fais mon bonheur de l’ennui ! Je n’ose. Je l’invite à s’asseoir à mes côtés , sur la terrasse, à
l’ombre des steulitis géants et des poulicasses nains pour partager l’horizon d’eau, de roches et de ciel mêlés.
- Regardez, on dirait le Sud, et le temps dure longtemps, plus d’un million d’années. Et toujours en été.
Mes arbres rares le fascinent.