Marcel Proust à toute allure
Publié le 25 Février 2018
Deux semaines pour lire tout Proust! C’est la confidence faite par Gérard Collomb lors d’un entretien accordé le 21 février au journal « Le Parisien ». On était en mai 68 (ce n’est pas une excuse!), et il avait alors 21 ans.
Peut-on lire Proust à la va vite comme s’il s’agissait d’un auteur de roman policier? Cette impatience de rattraper le temps perdu à le chercher n’est-elle pas une impolitesse majeure faite à une oeuvre qui justement prend tout son temps pour le trouver? Plus qu’une impolitesse, un contre-sens?
Le ministre de l'Intérieur mérite sa place dans le livre des records… Sans doute a-t-il mis à peine une heure et 53 minutes, le temps d’un trajet Lyon-Paris en TGV pour lire « Guerre et Paix » faisant de Tolstoï un écrivain de gare et du dernier Goncourt un arrêt-minute!
On connaissait la littérature à l’estomac, voilà la littérature au chronomètre. Question lecture, Collomb n'est pas en marche, il court, et vite!
Prenons donc le temps du thé de l'après-midi et toute une vie pour lire Proust.
…Odette fit à Swann « son » thé, lui demanda : « Citron ou crème ? » et comme il répondit « crème », lui dit en riant : « Un nuage ! » Et comme il le trouvait bon : « Vous voyez que je sais ce que vous aimez. » Ce thé en effet avait paru à Swann quelque chose de précieux comme à elle-même, et l’amour a tellement besoin de se trouver une justification, une garantie de durée, dans des plaisirs qui au contraire sans lui n’en seraient pas et finissent avec lui, que quand il l’avait quittée à sept heures pour rentrer chez lui s’habiller, pendant tout le trajet qu’il fit dans son coupé, ne pouvant contenir la joie que cet après-midi lui avait causée, il se répétait : « Ce serait bien agréable d’avoir ainsi une petite personne chez qui on pourrait trouver cette chose si rare, du bon thé. »
Extrait de « À la recherche du temps perdu Tome II »
Marcel Proust