Le salon de thé
Publié le 4 Mars 2018
Il l’a suivie par amour, ça me ferait tellement plaisir si tu viens, tu sais! Et maintenant, il est là qui regarde à droite et à gauche dans la rue pour être sûr que personne ne le voit entrer. Il a baissé la tête. Enlève ta capuche, tu ne peux être comme ça ici! Elle parle doucement, lui prend la main. Avec elle, il se sent fort.
Il monte l’escalier, sans tenir la corde de marinier qui sert de rampe, c’est seulement pour la décoration! Les marches ne sont pas hautes, il piétine et manque trébucher.
Dans la salle en haut, bleu pâle, il y a surtout des dames âgées, mais quelques jeunes bourgeoises assises aux tables près des fenêtres. L’une pense en le voyant, tiens, un ours dans la bonbonnière!
Ici, quelques rires feutrés, une musique en sourdine, le murmure des conversations. Pas comme au bar-tabac où il va boire un coup avec ses copains.
Leur table est placée au centre, il a l'impression qu'ils font le spectacle. Son gâteau est d’un rose vif insoutenable. Pas plus que le thé, il ne l’a choisi. Pareil que Madame, il a bredouillé à la serveuse. Et maintenant, il doit s’en débrouiller. Comme de la théière, de la tasse, de sa soucoupe, du napperon en dentelle, de la petite cuillère, de la fourchette et de la serviette en tissu. Mais heureusement Pauline s’occupe de le servir, il faut bien respecter le temps d’infusion. Pour le reste, il n’a qu’à l’imiter.
Le gâteau rose était bon, pas trop sucré et le thé ne lui a pas encore donné envie de vomir. Sur la nappe, il n’a laissé ni miettes ni salissures. Pauline est ravie. Elle le regarde en souriant et lui dit, je t’aime. Il l’aime aussi.
Maintenant, il peut se détendre et profiter un peu de ce voyage en terre inconnue qu’il ne racontera à personne. Alors, il s’étire lentement de tout son long sur le petit fauteuil crapaud et bâille bruyamment, comme il le fait chez lui quand tout va bien.