Capharnaüm

Publié le 4 Novembre 2019

Where are my keys? Art Home, juin 2019 (photo privée jmg)

 

Il se frotte  les mains, Il est heureux, il ne verra  plus le temps passer. Il va s’occuper de tout remettre en ordre. Ça prendra du temps, dit-il, mais on en gagnera, chaque chose aura sa place.

   

D’abord je consoliderai  la toiture,  je repeindrai les murs, remplacerai  la porte, poserai un carrelage, oui du carrelage moins salissant…Ensuite je m’organiserai,  il y aura ici un meuble à chaussures, là le placard à balais, dans ce coin, la cave à vin, dans l’autre le congélateur, et puis partout des étagères, une pour les chapeaux, et  une aussi, et ça j’y tiens, car j’en suis fier, pour  les coupes que j’ai gagnées aux concours de pétanque, et tant pis si elles font un peu kitch!  Je suspendrai aussi à cette poutre la cage à fromages, et puis on laissera la table ronde au centre toujours bien dégagée. C’est important, on y déposera les provisions, les achats du jour, les clés de  voiture. J’aime savoir exactement où on en est!

 

Il n’a pas vu le temps passer… Quelques milliers d’années plus tard, un peu moins peut-être, réchauffement climatique oblige, tout est en ordre. Et personne depuis longtemps ne voit plus le temps passer, Bien sûr, les hommes ont disparu, la terre s’est éteinte, brûlée puis refroidie. Ce n’est plus maintenant qu’un caillou rond,  lisse et propre sur lui qui erre dans  le vide. Il n’y a plus aucune chose à ranger.

 

Seul, un blob  a  survécu. C’est vrai qu’avec son unique cellule, sa mémoire utile et son  absence de cerveau, il avait tout pour durer.

Notre blob avance d’un cm par heure. Sait-il qu’il a l’éternité devant lui pour parcourir  l’infini?

Rédigé par Emile Gillmo

Publié dans #Chroniques

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