Solidarité intergénérationnelle
Publié le 18 Septembre 2010
Il n’y a plus de client dans la boutique. Jules n’a pas le crâne rasé et ne vote pas FN. Jules n’est pas un adepte de l’autodéfense. Au contraire, il a
cette bonne tête du brave gars qui milite pour les droits de l’homme et pense à gauche. Tout se passe donc comme prévu. Paniqué, il ne voit pas que je le braque avec ce jouet de pacotille,
une mauvaise imitation faite en Chine achetée au bazar du coin. Sans que je demande rien, il met l’argent de sa caisse dans ma sacoche et s’allonge derrière le
comptoir, mains sur la nuque, comme il a vu faire dans les séries télé. Après avoir enlevé ma cagoule et mes gants, je peux sortir aussi tranquillement que je suis entré. Deux
rues plus loin, je monte dans le bus. Il est bondé. Un lycéen se lève immédiatement pour me laisser sa place.
- Tenez Monsieur!
- C’est bien, jeune homme d’avoir pitié de mon grand âge !
Il sourit timidement. Je me dis qu’on est vraiment injuste avec la jeunesse.
Alors, calé sur mon siège, les bras croisés sur la sacoche, les yeux clos, je me laisse aller jusqu’au terminus dans un demi-sommeil. Une fois rentré à la maison,
je compte mes sous… Mon complément retraite ! Puis les planque sous les lattes du parquet de la salle à manger, comme j’ai vu faire dans les séries télé.
Il finira par appeler. Au téléphone, mon petit Jules a sa voix blanche des mauvais jours :
- Grand-père, c’est terrible ! Je me suis encore fait braquer !