série noire 2-copie-1 

 

 

 

 Mon Dieu suis-je bête ?  Il laissait  à Dieu le soin de lui répondre que non, bête, il ne l’était pas, et que la vérité n’était pas tout à fait la vérité.

 

« Ta femme te trompe avec David Hunter.  Et cela dure depuis des années. »  Une lettre anonyme - dont on ne put jamais identifier l’auteur - lui fit découvrir la situation. Kurt aimait sa femme Jenny. David était leur voisin et leur meilleur ami.  Dans l’instant qui suivit la terrible nouvelle, Kurt repensa à toutes ces années. Il  revit  les mimiques, les sourires, les gestes, les cadeaux, les baisers, tous ces témoignages d’attention que David avait montrés à Jenny quand  il leur rendait visite. Ils devenaient maintenant autant de preuves de sa trahison.  Kurt se dit, mon Dieu suis-je bête !  Et sa colère l’emporta sur sa détresse. Kurt était un terrien, un paysan qui aimait sa femme comme  il aimait  ses terres. C’étaient ses biens à lui. Y toucher, c’était toucher à sa vie, car sa vie n’avait de sens que dans la possession. Alors Kurt défendit son bien  avec son fusil, comme on le fait dans les campagnes profondes ou au Far West. Sans même questionner sa femme, il se rendit  chez David et le tua. Au premier policier qui l’interrogea, il répondit, pour expliquer son geste, c’était ma femme, c’était ma femme.

 

Drame passionnel, sans préméditation, la condamnation de Kurt fut  relativement légère.  Il sortit de prison trois années plus tard, après une remise de peine  pour bonne conduite. De mémoire de gardiens, on n’avait jamais vu prisonnier si assidu à la bibliothèque. 

 

C'est alors que Jenny, qui avait obtenu le divorce juste après la condamnation de Kurt, se remaria avec Jéremy Hunter, le frère unique de David. 

 

Mon Dieu suis-je bête!   s’écria Kurt en s’emparant de son fusil.

 

C’était le second crime de Kurt, une récidive. Cette fois, l’avocat plaida la folie.  Kurt évita la prison et se retrouva en hôpital psychiatrique. Au bout de deux années, le comité d’experts jugea qu’il était guéri. Jamais le personnel n'avait vu patient se plier aux soins avec autant de bonne volonté.

 

Jenny  était maintenant à la tête d’une grosse fortune. Par son divorce  et son héritage, elle avait en effet pu réunir dans une même propriété les terres de Kurt et celles des frères Hunter. Elle vivait seule dans la belle demeure des Hunter. Quand Kurt frappa à sa porte, elle l’accueillit comme s’il rentrait de sa journée de travail.  Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et reprirent leur vie d’avant. Une vie pleine de cadeaux, de caresses, de sourires et de petits bonheurs. Et chaque soir, avant de s’endormir, Kurt murmurait  à l’oreille de Jenny « Mon Dieu suis-je si bête ? »

 

 

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