Lui, qui ne connaissait rien au football, voyait dans cette architecture une réplique bétonnée de la forêt des Landes.
Je lui disais, non, c‘est un orgue géant, une caisse de résonance, des tuyaux par lesquels montent les chants des supporters.
Imagine, par delà ces tribunes, le latéral droit qui court le long de sa ligne de touche, qui remonte le ballon, qui va centrer et cette rumeur qui enfle, le porte d’un espoir fou, c’est sûr, on va marquer!
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On a marqué, on crie, on lève les bras, on saute, emporté par des vagues de foule. On ne touche plus terre.
Imagine aussi la peur dans les dernières secondes, on ne tient la victoire que d’un but et tout peut basculer,.un dernier contre, un coup franc, un malheureux corner, ou pire ce terrible silence d’avant un pénalty. On retient son souffle, on regarde sa montre, on siffle, on siffle, on siffle encore pour alerter cet arbitre imbécile qu’il est temps de siffler la fin de la partie.
C’est fait. Il a sifflé, on a gagné. On est heureux De l’enceinte sort la clameur libératrice. On l’entendra des kilomètres à la ronde sur tous les bords de la Garonne.
Partout le long de l’esplanade, les badauds sont venus en nombre voir jusqu’où montait l’océan, s’il recouvrirait la chaussée et viendrait même jusqu’aux bancs. On rit comme des enfants de l’imprudent surpris par une vague. Qui s’est approché pour prendre une photo et revient le pantalon trempé. C’est qu’avec le coucher du soleil, le spectacle est magnifique. On veut garder un souvenir.
A 19h 54 par magie la mer se calme, les vagues ne font plus aucun bruit. Alors, en silence, chacun s’en va de son côté.
Il y avait là quelques bateaux morts et d’autres encore un peu vivants, mais pas de bateau ivre, pas de courant, d’indiens et de tohu-bohu triomphant.
C’était Digoin, ville exotique?
Le long du canal, on prend son temps
J’occupe le temps? Le temps m’occupe? Vaines questions…Je suis le temps.
Ils regardaient ensemble dans la même direction. Allaient-ils déclarer leur amour? Annoncer leur rupture? Engager un projet immobilier?
Lui disait, il faudra se mettre d’accord, combien aurons-nous d’enfants?
Et elle répondait, trois, j’aimerais bien trois enfants, mais qu’il leur faudrait un appartement traversant. Et que c’était peut-être mieux d’investir à la mer qu’à la montagne.
Nous les observions, amusés qu’ils regardent ce que nous n’aurions surtout pas regardé, admiratifs aussi, jamais nous n’aurions osé nous asseoir sur ce banc de peur d’y être vus assis par quelques passants malveillants.
C’était un banc sur lequel on ne pouvait être assis qu’au second degré.
C’est lui la vedette incontestée du lieu. Le clocher d’Ancelle. Il sait prendre la lumière d’où qu’elle vienne. Aussi, on le photographie à toute heure du jour et même au début de la nuit.
Puis comme il n’y a rien de mieux à faire, à la veillée, de nos fauteuils, via nos smartphones, nous échangeons nos clichés, tout en évitant par politesse, de penser que les nôtres sont mieux cadrés.
Et dire que le clocher d’Ancelle, à Florence, on l’aurait négligé!
Au café qui fait l’angle, surprise, les consommations sont servies à un prix modique par un patron joyeux et plein d’esprit. Dans ces villages à label « plus beaux villages de France », on s’attendait à tout sauf à ça!
Monsieur, mais ce que vous nous racontez là mène à quoi?
Vraiment je ne sais pas, Madame, Monsieur, mais après avoir visité la petite église et contemplé bouche bée, ravi, sur un des murs exposé, le chemin de croix (elle semble légère et lourde à porter comme ce petit péché mortel qu’on ne peut oublier), descendre vers la rivière tranquille qui fait méandre. Sur la prairie en pente douce, c’est l’heure du déjeuner. Des familles pique-niquent de salades. Composées, recomposées ou élargies. Bien sûr, il y aura aussi au menu des chips craquantes sorties de sachets colorés. On entend rire les enfants et siffler le merlot gris.
Patrick Braoudé (Honfleur sept 2018)
"On dirait presque du bonheur quand l'anti-dépresseur fait enfin de l'effet" (Bénabar)
Nous garderons d'Honfleur le souvenir d'Honfleur...Le port, les maisons aux façades couvertes d'ardoise, la foule du dimanche, le goût d'une crêpe sucrée, d'une bolée de cidre sec. Et la lumière, bien sûr la lumière!
Fatigués, nous nous sommes assis sur un banc de cette promenade qui va du vieux port à la plage et longe la Seine et le jardin public. Nous avons tout le temps devant nous.
D'abord point minuscule sous le pont de Normandie passe un cargo chargé d'on ne sait trop quoi qui s'effacera ensuite dans la mer...
"Ce coin de nature, ce bout de jardin, un bruit de pas sans écho sur le gravier d'une allée, mon exaltation les a portés et a réussi à leur faire traverser tant d'années successives, tandis que sont morts ceux qui les foulèrent et le souvenir de ceux qui les foulèrent."
Marcel Proust , Du côté de chez Swan
La pluie cesse, ils font le tour du village. Des citations d'écrivains accompagnent leur visite. Les lieux et les mots se répondent pour leur plus grand bonheur. On devine au loin une trace d'arc-en-ciel.
Oh regarde ! Tu as vu le chien ! Comme c'est bizarre, il est tout nu !